Vendange et vinification 2023

Bonjour à tous, on est le 5 octobre 2023 et on va finir d’entonner aujourd’hui ou demain tous les vins du millésime. Donc c’est une satisfaction d’en arriver à ce moment après 5 grosses semaines de travail car cette année a été assez riche en émotion… On a eu une année assez étrange, je ne peux pas comparer à d’autres années, c’était ma 21ème année au domaine, et je n’ai pas de point de comparaison, c’est quelque chose d’unique en son genre… On a eu un printemps assez clément, on est passé à travers le gel de printemps ce qui est toujours agréable et toujours un gros défi depuis quelques années. On a eu une belle sortie de raisin, assez étonnante, car suite à 2022 qui était un millésime assez généreux, on ne s’attendait pas à avoir une deuxième année avec une grosse sortie de raisin, mais bon, c’était plutôt satisfaisant de voir ça, et à tel point que c’est la première année depuis les 21 ans que je suis là qu’on fait tomber du raisin au mois de juillet parce que la sortie était un peu trop belle par endroit… Ça doit être fort bon ! Ah oui, c’est un bonbon… Ça c’est pour vous, je vous les redonne plus tard… On est là aujourd’hui et demain. Très bien je vous les remettrai demain. Merci beaucoup ! On te filme… On n’imaginais les vendanges plutôt fin août début septembre, mais quand j’ai fait des analyses de maturité le 30 août on était à peine à 10° d’alcool, donc c’était une grosse question : que se passe-t-il ? Comment, à quelques jours des vendanges n’avoir que des degrés d’alcool aussi faibles ? C’était vraiment très perturbant. Du coup on a décalé les vendanges. On a commencé le 9 spetembre et d ès les premières vignes vendangées, les premiers raisins rentrés, on avait des degrés entre 13 et 14° d’alccol, c’est-à-dire qu’en à peine dix jours on a pris 3 ou 4° d’alcool ! C’était vraiment une découverte. Un millésime totalement atypique… On fait un premier passage avec que du millerand. Ça va être particulier pour beaucoup d’entre vous : il y a des endroits ou l’on va pouvoir faire 10 ou 20 ou 25 mètres sans trouver un seul petit raisin. Il faut effeuiller pour voir tous les raisins ! Et on coupe que ce qu’il y a à couper, pas le reste ! Pour le deuxième passage, une fois effeuillé ce sera beaucoup plus rapide… Mais là c’est vraiment que les petites grumes ! Est-ce que tout le monde a bien compris ? Les vendanges, cela a été un gros défi car toutes les vignes sont arrivées ensemble à maturité donc il fallait ramasser très rapidement… On avait toujours ces problèmes de raisins brûlés, de raisins figués qui figuaient de jour en jour. On a eu une pluie le mardi 11 ou 12 septembre ou on a pris entre 40 et 50 mm, et à partir de ce moment là l’état des vignes se dégradait assez rapidement donc on a pris une énorme équipe de vendangeurs, on a été jusqu’à 180 personnes pour pouvoir ramasser le plus vite possible et dans les meilleures conditions… On a fait entre gillements un nouveau record de vendange puisqu’on a réussi à vendanger les 22 hectares du domaine en seulement 8 jours. On était quasiment à 3 hectares par jours grâce à ces 180 vendangeurs. Là aussi, nouveauté : il a fallu s’adapter donc on a imaginé faire 2 équipes distinctes donc on vendangeait 2 parcelles en même temps, ce qui sous-entend 2 tris distincts en même temps à la cuverie. Ça a été un véritable challenge et j’ai pu me reposer sur des équipes, à la fois à la vigne et à la cave, très compétitives, très bonnes, et on a pu faire ça dans des conditions correctes puisqu’on a travaillé énormément, mais dans une bonne humeur, une bonne ambiance, c’était très agréable… Les gros challenges cette année c’était le figué. Il y avait énormément de raisins figués à écarter, on avait un tout petit peu de pourriture mais uniquement dans quelques parcelles et c’était pas un gros problème à sélectionner… Par contre on avait quelques piqûres acétiques et là il fallait être absolument vigilant, tant à la vigne car on essait de ne jamais les rentrer à la cuverie… Il faut faire attention, il y a pas mal de tri ! Tu es nouvelle ? Non. Ah, c’est ton vêtement… Oui, il y de la piqûre… Tu parles français ?... Quand c’est un peu rose, on fait bien le tour de la grappe et vous sentez un peu… OK. Merci ! … mais bon, avec 180 personnes à manager aux vignes c’est très difficile de faire un tri parfait donc on a peaufiné ça avec un 2ème tri en cuverie où on a pu en écarter et c’était absolument nécessaire. Pour nos vinifications sans souffre on ne peut pas se permettre d’avoir des raisins piqûés dans une cuve, c’est beaucoup trop risqué… Voilà, on avait ces 2 gros challenges : repérer les piqûres et les raisins figués… Quand ça avance pas, qu’est-ce que je fais ? Pah ! Des grosses baffes ! Pah ! Et ça avance !... Pah ! Du gauche ! Pah ! On n’est pas là pour rigoler !... En terme de vinification, ce que je pressens depuis quelques années, à savoir que les souches de levures ont changé, probablement lié au changement climatique, On a des levures de plus en plus agressives, je ne sais pas si c’est le bon mot mais c’est comme ça que je le ressens : on a pu perdre sur certaines parcelles, certaines cuves, 60 points de densité dans la nuit, c’est colossal ! Il y a une quinzaine ou une vingtaine d’années, quand j’ai commencé, on perdait 20 points dans la journée et c’était déjà un gros score… Il y a 4 ou 5 ans, quand le changement climatique est arrivé avec les millésime chauds à partir de 2018, on perdait 30 ou 40 points de densité dans la journée et c’était un événement… Là, d’arriver à 60 points, c’est du jamais vu !... On se rend compte que ces levures travaille à plus haute température aussi, on est monté à 35, 36° C, on a même une cuve qui est montée à 40° de température et là on est à la limite de la létalité des levures donc c’est un gros risque… mais bon, il faut qu’on arrive à trouver des moyens de s’adapter aussi en cuverie à la vinification pour gérer ces levures agressives… Sinon, les vinifications sont passées rapidement : on a fait entre 10 et 18 jours de cuvaison. 10 jours c’est quand même très court ! mais on n’a pas de schéma préétabli , on ne veut pas que ça dure 15 ou 16 OU 18 jours, l’idée c’est de suivre les vins, de les accompagner pas de les diriger donc on a suivi le rythme… A la tête de l’équipe de la cuverie, Antonio Quari, fidèle au poste, a fait une année incroyable en drivant notre petite équipe de 9 personnes. Il est arrivé à insuffler une ambiance de travail très agréable pour tout le monde. C’était extrêmement dense mais toujours dans la bonne humeur, donc je veux vraiment le remercier pour sa qualité de meneur. C’est un leader naturel et les gens le suivent avec grand plaisir, même si ce n’est pas toujours facile pour les gars de la cuverie de le suivre , on en rigole entre nous, mais on l’appelle la « machine » !... Au bilan on est très satisfait de cette année. Comme toujours, je dis la même chose chaque année, il est très difficile de parler d’un millésime qu’on vient d’entonner. En tout cas les analyses sont bonnes, on a de beaux équilibres, les degrés d’alcool ne sont pas trop élevés pour la climatologie qu’on a eu. On a fait des degrés moins élevés qu’en 2022 ou en 2020, donc les vins sont très sur le fruit. La vinifcation en vendange entière nous donne toujours ce côté très fruit, raisin frais, que l’on recherche évidemment, mais après, la complexité du millésime, du climat qu’on a eu qui est totalement unique, me laisse peu d’argument en faveur d’une théorie ou d’une autre pour dire le devenir des vins… Ce que je peux dire c’est que je ne suis pas inquiet, les jus sont très beaux, on est parti pour 15 à 18 mois d’élevage selon les parcelles, les malos sont enclanchées pour la plupart, voire finies pour certaines… Ça va vieillir gentiment à la cave et on verra après Pâques 2024 pour commencer à goûter…