1988 : la naissance du Domaine

J’ai eu un petit coup de foudre en 79 je crois ou quelque chose comme ça en visitant la Goillotte. Je me suis dit que ca devait être intéressant, je m’y connaissais encore moins qu’aujourd’hui. En 88 cette fameuse Goillotte est à la vente, je saute dessus, sans bien savoir comment ça se mène, j’ai eu beaucoup de chance tout le temps, de bons professeurs, de bons amis, que je ne connaissais pas forcément depuis longtemps d’ailleurs, et qui m’ont donné des petits conseils, des choses comme ça et petit à petit on perfectionne, et encore aujourd’hui on trouve des améliorations, c’est clair que c’est en mouvement permanent. Rien n’est figé. Alors évidemment le Domaine Prieuré Roch 1988 c’est deux hectares de Vosne Romanée sur 4 parcelles différentes, aujourd’hui c’est 14 hectares, de vins assez différents qui vont de Gevrey Chambertin en Clos de Bèze jusqu’à récemment des Ladoix village en passant par Clos Vougeot, Suchot premier crus et puis bon le navire amiral qui est le Clos des Corvées, un monopole de 5 hectares en Nuit st George premier cru, sur Premeaux, mais en Nuit st Georges premier cru. Une vigne de 5 hectares en monopole en Bourgogne c’est rarissime. Certains de mes collègues pensaient à la couper en rondelles, j’ai pensé que c’était une hérésie complète, s’aurait été catastrophique, parce que l’idée du monopole c’est pas intéressant pour dire « y a que moi qui en ai, je fais ce que je veux » etc, c’est pas ça, l’idée du monopole c’est qu’on a vraiment l’esprit du vin dans l’ensemble de son climat. C’est une vigne qui est très ancienne le Clos des Corvées, son histoire écrite démarre avant le 14e siècle, donc c’était fait pour des raisons de goût. Ca serait dommage de perdre ça, au contraire il faudrait essayer de recommencer à ramener les parcelles ensemble de manière à redonner l’entier de la personnalité des vins, c’est très difficile, même quasi impossible. Donc ce Clos des Corvées est sur le marché, je saute dessus de manière assez… volontaire et sans trop de calcul, n’ayant pas les moyens dans ma poche de m’acheter cette vigne là, c’était un coup de bluff c’est vrai, c’est clair. Mais je sentais qu’il fallait faire quelque chose. Ca c’était en 95, on est en 2010, quelques années après, on voit les récompenses qui arrivent, avec des raisins très millerans, avec des parties vieilles qui nous donnent des choses superbes, c’est un vin qui a une race fantastique. On a eu l’occasion assez extraordinaire de croiser une bouteille de clos des corvées 1898, on l’a pas très bien préparée, on a pas fait les choses comme il faut, mais c’était quand même rudement bon avec un coup de patte, l’esprit était là, c’était un vin vieux bien sûr mais l’esprit était complètement là, le caractère du vin était bien présent. D’ailleurs on l’avait accompagnée, mais c’était pas du tout du comparatif, c’était que pour le plaisir, avec une Clos des Corvées 1998 donc il y avait juste un siècle entre. C’est assez intéressant comme lien de parenté.